Je suis arrivé au Wal-Mart en n’ayant qu’une seule idée en tête. Sans aucune hésitation, je me dirige vers le mur où il y a écrit en blanc sur fond bleu «Chaussures». C’est à cet endroit que je deviendrai un vrai homme.
Je demande à la vendeuse où je peux trouver l’objet de ma visite et elle m’indique la dernière rangée; comme si c’était un signe : la dernière étape à franchir, le dernier sprint avant la fin ou autre métaphore signifiant le dernier effort. Pendant que je me rends vers ma dernière destination, je passe devant la rangée des petits souliers de course, puis celle des sandales, celle des souliers de skate, encore des souliers de course et enfin l’avant-dernière : la rangée des souliers propres. J’avais l’impression de traverser une vie d’homme. J’avais l’émotion toute coincée dans la gorge, juste en-dessous du glugluton.
J’arrive enfin à destination. Une vingtaine de chaussures sont exposées sur les tablettes, les unes plus viriles que les autres. Je n’ai jamais autant ressenti de testostérone que dans cette dernière rangée. On le sentait bien : Ici, l’évolution du féminisme n’avait pas eu lieu, c’était encore les hommes qui dominaient cette allée du Wal-Mart.
Le nombre incroyable de souliers m’empêche de me décider. J’essaye et réessaye, marche et remarche. Finalement, tel une cendrillon avec de la barbe, je trouve celle qui va à mon pied. Je glisse à l’intérieur comme si elle était modelée sur mes extrémités jambières. Je ressentais l’envoutement des tribus sauvages lorsque le chaman t’annonce que tu es devenu homme après avoir tué un lion.
Cette chaussure était mon lion et mon chaman à la fois. Une double pénétration d’intensité.
Elles m’avaient choisi. Je devais obéir.
Dans la boîte sous mon bras. Dans la boîte que la caissière passe sous le laser. Dans la boîte avec des motifs de faux métal. Dans cette boîte, il y avait l’objet suprême de la virilité, la chose qui me donne le titre officiel de Mâle avec un grand M : Des bottes avec cap d’acier!
Avec toute cette testostérone et cette virilité, en chemin dans l’allée centrale (celle pour les vrais Mâles), j’ai acheté les trois premières saisons de One Tree Hill pour mon amie Camille.